Ben l'Oncle Soul
La nuit, à Tours, les braves gens dorment. En revanche, certains jeunes hommes, en veston rose de bistrotier branché, profitent de la quiétude nocturne pour réviser leurs classiques, qui ont pour noms Aretha Franklin, Diana Ross, Al Green, ou Marvin Gaye. C’est durant l’une de ces nuits terriblement binaires et agitées que Ben L’Oncle Soul (on en riz encore) échafaude un concept à rebours : faire du vieux, avec du (presque) neuf. Ainsi de ce premier album, (et après avoir dans l'EP Soul Wash initial fait son sort au « Barbie Girl » d’Aqua, ou à un « I Kissed A Girl » qui fit les beaux jours de Katy Perry), où l’on retrouve, passés à la moulinette rétro-nostalgique, des incunables tels le « Seven Nation Army » de The White Stripes, ou l’une des plus formidables chansons jamais enregistrées : « Soul Man », du duo dynamiteur Sam & Dave, qui se sort ici assez passablement de l’hommage. Passés les premiers moments interloqués, on goûte sans trop de réserves un univers où les doigts claquent, les chœurs roucoulent, et la section rythmique rebondit comme une balle de caoutchouc entre les enceintes. Après tout, la démarche, authentiquement sympathique, ne vise qu’à offrir quelques instants de plaisir sur le mode d’une smooth soul (on n’est pas chez l’âpre Otis Redding, ni même sous l’enseigne d’un Vigon en fierté hexagonale, même si « Mon amour », et son cœur déchiré, pourrait le laisser accroire). In fine, on peut s’interroger sur la pérennité de pareille démarche, dans la mesure où, lorsqu’on s’obstine à avancer les yeux fixés sur le rétroviseur des années enfuies, on finit toujours par se casser la figure. Un début de réponse est offert par « Petite sœur », l’une des partitions originales du programme : claquement des guitares, pointillisme de la basse, et sacrée performance vocale, Ben semble enfin y prendre la dimension qui est la sienne, celle d’un entertainer, volontaire et dynamique. Et s’extirpe par là-même de la cohorte passablement faisandée de ceux qui prétendent ad nauseam que c’était mieux avant. Ce n’est pas le sort que l’on souhaite réserver (en effet, péril rampant de la réserve indienne, et niche réactionnaire) pour l’heure à Benjamin, qui a ici consacré pas mal de talent, et beaucoup d’énergie, à nous faire remonter le temps, afin de rallier le royaume des jupes en carreau vichy, des laits-fraises embués par le givre, et autres frissonnantes bobby-soxers. Christian Larrède - Copyright 2014 Music Story